Fülszöveg
Serge Filippini L'Homme incendié
Rome, 10 février 1600. A quelques jours de son supplice, Giordano Bruno, condamné par l'Inquisition pour avoir pensé sans prudence, entreprend d'écrire un dernier livre. Indifférent aux efforts déployés autour de lui pour que lui soit épargnée la mort des hérétiques, convaincu surtout que la fidélité a soi-meme est le seul sceau qui puisse authentifier une idée, il entend cette fois aller a l'essentiel : dire comment sa pensée éprise du mouvement et de la liberté s'est forgée, telle une lame de rapiere, au feu de l'acdon. L'idée la plus haute, la plus juste, ne rend vraiment compte d'elle-meme que si celui qui la suscite la met pour de bon a l'épreuve, passe aux aveux. Pas de philosophie, au fond, qui ne soit le fruit d'un roman, qui ne soit d'abord aventure.
Ainsi le lecteur se trouve-t-il entraîné dans une chevauchée inattendue. C'est que Bruno le Nolain a frotté son esprit aux rugosités du monde, sillonnant en tous sens cette Europe de la...
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Serge Filippini L'Homme incendié
Rome, 10 février 1600. A quelques jours de son supplice, Giordano Bruno, condamné par l'Inquisition pour avoir pensé sans prudence, entreprend d'écrire un dernier livre. Indifférent aux efforts déployés autour de lui pour que lui soit épargnée la mort des hérétiques, convaincu surtout que la fidélité a soi-meme est le seul sceau qui puisse authentifier une idée, il entend cette fois aller a l'essentiel : dire comment sa pensée éprise du mouvement et de la liberté s'est forgée, telle une lame de rapiere, au feu de l'acdon. L'idée la plus haute, la plus juste, ne rend vraiment compte d'elle-meme que si celui qui la suscite la met pour de bon a l'épreuve, passe aux aveux. Pas de philosophie, au fond, qui ne soit le fruit d'un roman, qui ne soit d'abord aventure.
Ainsi le lecteur se trouve-t-il entraîné dans une chevauchée inattendue. C'est que Bruno le Nolain a frotté son esprit aux rugosités du monde, sillonnant en tous sens cette Europe de la Renaissance en proie aux premieres convulsions de la modernité, déchirée par les querelles de religion, livrée au bruit et a la fureur. Les ennemis ne lui ont pas manqué. Non plus que les amis, dont il évoque fiévreusement la mémoire : l'énigmatique Henri III de France, le seigneur Michel de Montaigne, un jeune acteur qui se fera bientôt connaître sous le nom de Shakespeare, Philip Sidney le poete, le peintre Arcimboldo — sans oublier le troublant Cecil
Au fil de ces rencontres se dessine peu a peu la vérité d'un destin aimanté par le feu, voué a toutes les audaces, â toutes les ardeurs. Car le bucher qui l'attend au Campo dei Fiori, qu'e^-il d'autre sinon son plus secret, son plus fidele désir, la marque définitive de son talent ? La vie, la mort, sur cet autel dressé en plein vent et que vont consumer les flammes, s'épousent comme en un creuset. Noces ardentes d'ou naîtra l'or philosophai si longtemps queté : une parole capable de bouter le feu au vieux monde.
SERGE FILIPPINI
Né en 1950. C'est la philosophie qui l'a conduit au roman — et singulierement l'étude d'un philosophe : Giordano Bruno 1'« hérétique », penseur-poete de la modernité, dont James Joyce clamait qu'il nous était plus nécessaire que Descartes. Considéré comme l'un des meilleurs spécialistes européens de l'ouvre de Bruno, il s'est vite convaincu, a suivre l'itinéraire de cette pensée turbulente, que les théories réputées les plus lumineuses ne prennent leur véritable relief que si l'on veut bien leur restituer la part d'ombre que dessine autour d'elles l'identité du «Je » qui les professe.
Répondant a l'injonction de Joyce qui, a l'orée de ce siecle, réclamait un livre en forme de « fable héroique » qui fît revivre la figure emblématique de Bruno, il imagine ici un genre littéraire inédit dont la structure emprunterait ses lignes de force qu roman pour restituer, avec les couleurs memes et toutes les contradictions de la vie, la genese et le déploiement d'une pensée qui prétend a la singularité non moins qu'a la vérité. Bref, un genre littéraire qui serait en quelque sorte la « biographie d'une idée ».
Tout en travaillant a ce projet, qui le retient depuis quinze ans, Serge Filippini s'est essayé par trois fois au roman : La Vie en double, Angele (1987), L'Aquarium (1989).
En couverture : Le Caravage Saint Jérôme écrivant Rome, Galerie Borghese (photo Scala)
Vissza